Discours de Franck Touboul lors de l’hommage rendu
 aux victimes cinq ans après

19 mars

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by SPCJ
Discours de Franck Touboul lors de l’hommage rendu
 aux victimes cinq ans après

Par Franck Touboul, président du Crif Toulouse Midi-Pyrénées

Il y a des morts qui ont des droits sur les vivants.

Qui nous commandent de nous souvenir, non pas de l’atrocité, mais de ce qu’ils représentaient.

Je sais qu’en tant que président du CRIF je ne peux me dérober à cette lourde tâche, qui est de nouveau la mienne, car le temps qui passe n’efface en rien la peine, notre peine.

En effet il y a 5 ans nous avons été privés, brutalement, horriblement, du bonheur de l’école. Des vies chères ont été fauchées, froidement, aveuglément.

Nous avons vu et vécu l’horreur. Nous avons tâché de reconstruire et, par là même, de nous reconstruire.

5 ans après, nous avons lutté, nous avons tenté de reconstruire notre école, notre communauté, 5 ans après, enfin nous devrions à la rentrée prochaine avoir davantage d’élèves qu’avant cette attaque.

C’est pour nous, monsieur le ministre, une fierté et un espoir. Une fierté, car cela n’a pas été facile, car cela n’a été possible que grâce au soutien à la détermination de l’ensemble du corps enseignant, de l’ensemble des parents d’élèves, du réseau des anciens élèves et de tant d’autres, qui anonymement dans l’ombre ont œuvré pour la réussite de cette institution.

Et pourtant, si tout a été dit, il nous reste tellement à faire…

Nous ne pouvons plus laisser les thuriféraires de la société du spectacle faire l’apologie des terroristes, les attentats ne doivent plus être nommés par le nom des terroristes, et les victimes désignées comme l’affaire de leur bourreau…

Georges Orwell, parlait à cet égard de décence ordinaire. Il est éthiquement douteux de condamner l’apologie du terrorisme quand on transforme ces derniers en « marque », en célébrité de la terreur.

Cette décence ordinaire, implique une règle déontologique simple : l’anonymat des terroristes, nous devons priver de nom ce qui nous ont privés de vies.

Monsieur le ministre, notre demande est simple et ne nécessite qu’une faible modification du droit existant : n’alimentons plus les ressorts de la haine en leur fournissant des Héros…

Si pour vous pousser ce portail vert vous fait frissonner, car chacun sait qu’il a été le premier témoin de l’innommable, dites-vous que nous anciens élèves nous l’avons poussé 100 fois, 1000 fois avec légèreté et insouciance, nous criions à l’injustice, et nous sommes en colère, car au-delà des théories maintes et maintes fois entendues sur la symbolique de pareils agissements, nous, c’est notre enfance et nos souvenirs qu’on a violés.

Un homme maléfique issu d’un système permissif s’est arrogé le droit d’anéantir là où nous avons bâti.

Alors chers amis permettez-moi de faire une entrave aux discours auxquels nous sommes tous habitués, aux sujets qui reviennent légitimement en boucle… laïcité, République combat pour la défense de nos droits et de nos libertés, lutte contre l’islamisme. Aujourd’hui je fais fi de ces théories auxquelles je suis si profondément attaché.

Aujourd’hui je saigne, je crie, je m’offusque, je suis en deuil.

Notre communauté porte le deuil de ma jolie petite Myriam, d’Arié, de Gabriel et de Jonathan.

Aujourd’hui je regarde le rav Monsonégo, mon directeur, mon Maître, le meilleur ami de mon père, et je me souviens, aujourd’hui que rien n’est plus important que cet arbre de vie que nous inaugurons et qui prendra racine dans ce terreau que je chéris tant, Or Thora, puissions-nous, Mesdames et Messieurs le voir grandir et s’épanouir désormais, en paix.